Une maison dans le ciel by Amanda Lindhout

Auteur:Amanda Lindhout [Lindhout, Amanda]
La langue: fra
Format: epub
Tags: autobiographie
Éditeur: Editions Seramis
Publié: 2017-01-25T05:00:00+00:00

*

Cinq semaines après l’enlèvement, je décidai de travailler ma bonne humeur. « Aujourd’hui sera une belle journée ! », annonçais-je désormais à Nigel quand nous étions réveillés par le premier appel à la prière du muezzin. Il faisait presque toujours semblant de ne pas m’entendre.

Il est vrai qu’il n’y avait rien de beau dans nos journées. Nous le savions tous les deux, mais pour moi, faire montre d’optimisme était une nécessité, comme taper du poing contre un mur dans l’éventualité où quelqu’un aurait pu entendre un tel appel au secours.

« Écoute, finis-je par lui dire un jour, je ne peux plus supporter ce silence. »

Nous étions allongés sur nos matelas. Il était couché face contre le mur. Il ne répondit pas.

Je me sentis submergée par l’émotion. « Nigel, insistai-je, nous avons besoin l’un de l’autre. Nous avons besoin de parler. Ça me rend dingue que tu ne dises jamais rien. »

Cela l’incita à se retourner sur son matelas, l’air agressif. « Tu crois vraiment que si je parlais ça rendrait les choses plus faciles pour toi ? » Une seconde de pause. « Tu crois vraiment que j’en ai quelque chose à foutre de te rendre les choses plus faciles ? »

Nous étions comme un vieux couple, un très vieux couple, tout désir mutuel depuis longtemps éteint, toute affection usée par la promiscuité constante. Nous vivions comme des voisins coincés depuis des décennies dans le même cul-de-sac et qui auraient accumulé les rancœurs l’un envers l’autre. Le fait que nous ayons peur de nous toucher n’aidait pas beaucoup. Nous ne nous faisions jamais aucune étreinte, pas plus que nous ne nous tenions la main ou que nous ne posions une main rassurante sur l’épaule de l’autre. À présent, quand Nigel était convoqué dehors pour aller prier avec les garçons, il ne prenait plus l’air penaud. Et il ne se pressait pas pour revenir une fois les prières achevées. Un jour, je l’entendis rire avec les garçons sur la terrasse. Je pus les entendre rire, tous ensemble, en tant que groupe.

Lorsqu’il revint dans la chambre, je lui demandai ce qu’il y avait eu de si drôle.

« Oh, rien », répondit-il avant d’aller s’allonger sur son matelas, d’ores et déjà lassé de ma présence. Et il ferma les yeux.

Nigel avait aidé Jamal à améliorer son anglais en lui apprenant tous les jours de nouveaux mots. Ils semblaient désormais former une bonne paire de copains tandis qu’Abdullah, mon tuteur, me faisait de plus en plus peur. Durant nos dernières leçons, il avait commencé à me frôler un genou ou une épaule avec sa main, comme par accident, à chaque fois qu’il tournait une page ou me montrait quelque chose dans le Coran.

Un jour, Jamal nous fit la surprise de nous apporter une assiette de poisson grillé, un cadeau de Donald, qui mangeait dehors sur la terrasse en compagnie des garçons. Tandis qu’il posait l’assiette par terre, Jamal se risqua à faire une blague. Il me regarda, me sourit, puis gonfla ridiculement les joues comme pour suggérer que je prendrais du poids si je mangeais tout le contenu de l’assiette.

Télécharger

Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.